Ton écharpe de laine

Je te vois, drapée dans ton écharpe de laine, comme parée d’un manteau d’Atlantique, et soudain, la ville entière est un jardin d’hiver où les embruns parfument l’air de leur fraîcheur iodée. Soudain, tout semble résonner comme une invitation au voyage, et je ressens au fond de moi l’irrésistible appel des mers du Sud. Ton écharpe, ta majestueuse écharpe, est la vague qui me transporte à mon insu vers l’archipel des rêves : rêves de chaleur, rêves de douceur, rêves de lumière, tous ces rêves à foison comme autant d’îles secrètes.

Mon cœur bat alors au rythme alors d’une incroyable musique, et le brouillard de la mélancolie qui me hantait jusqu’ici se dissipe enfin pour laisser place à un étrange sentiment. Cette musique, bien qu’un peu mystique, est toutefois empreinte d’une évidence indicible : il me semble la connaître depuis toujours, comme ces chansons d’enfance dont les mélodies sont gravées dans notre âme à jamais. Mes sens, dont l’attention est suspendue par l’hypnose dans laquelle me plonge cette troublante impression, voient remonter du néant des images floues qui se précisent peu à peu.

C’était à la fin de ces longues journées d’été, à l’heure apaisée où le soleil se couche, et où j’étais encore étourdi par son affolante chaleur, je regardais la mer qui, surplombée par le Vedra, étalait alors sous mes yeux éblouis ses reflets scintillants, ces mille écailles étincelantes qui débordaient l’horizon pour accueillir bientôt la nuit et ses innombrables étoiles. Quand le jour s’était éteint, l’eau n’en finissait pas pour autant de briller au loin, sous l’insaisissable lumière noire dont la lune inondait la nuit.

Si l’on écoutait bien, on entendait alors, dans l’écho des vagues qui caressaient machinalement les rochers ; ou derrière le murmure du vent qui, bien qu’un peu frais, nous enveloppait d’une chaleur rassurante ; dans ce souffle de l’océan qui faisait danser à nos pieds les herbes sauvages, on entendait cette entêtante musique qui surgissait des abysses à la portée de notre conscience, tout comme les baleines du grand large affleurent parfois à la surface de l’eau pour nous faire entendre leur chant mystérieux.

Cette musique, je le sais désormais, c’est l’hymne des poissons et des barrières de corail, c’est l’ode à la beauté du monde sous-marin, c’est elle qu’on peut entendre en contemplant la mer, et c’est elle que j’entends quand je te vois, enroulée dans ton écharpe de laine.


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